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fermé le 1er mai
le musée est fermé le jeudi 1er mai 2025
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Le bronze, au même titre que les métaux usuels que sont le cuivre ou le fer, a été employé dès 3 000 ans avant Jésus-Christ. On en a notamment retrouvé des traces (armes, figurines…) en Mésopotamie et Anatolie. Le bronze est un alliage de cuivre et d’étain avec une plus forte proportion de cuivre que d’étain. En Amérique du Nord, le pourcentage de cuivre peut aller jusqu’à 95 % : ce qui donne un bronze beaucoup plus dur, héritage de l’aéronautique américaine ! De façon générale, c’est la composition de l’alliage, l’accroche de la patine et son vécu dans le temps qui déterminent la couleur. Mais dans tous les cas de figure, c’est le fondeur qui donne au bronze sa qualité finale. Ce qui a fait dire à certains que le fondeur « était la troisième main » du sculpteur. Le point de fusion du bronze est de 1000 C°. La fonderie contemporaine n’a rien inventé : seuls les matériaux et l’outillage ont changé, le principe demeurant le même. Moules en pierre réfractaire ouverts ou fermés, technique de coquille à la cire perdue : il s’agit toujours de faire d’un négatif en terre, plâtre ou cire fourni par le sculpteur, un positif en bronze obtenu après refroidissement.
Une simple manipulation à main nue peut en augmenter l’oxydation ! Alors, exposé en extérieur, le bronze forcément vit, vire, change. Réaction chimique à la pollution, aux débris végétaux (petites feuilles, pollen), aux fientes d’oiseaux, et bien sûr, aux intempéries… À terme, l’œuvre, irréversiblement, se dégrade. Au-delà des coulures verdâtres que l’on observe sur tant de monuments commémoratifs, au-delà des premières traces d’oxydation, le matériau peut être corrodé en profondeur, empêchant toute lecture de l’œuvre. Ce, d’autant plus que les insectes et les champignons aiment à se loger de façon invisible dans les bronzes creux, et que les armatures à base de métaux ferreux de certaines statues peuvent être elles-mêmes fragilisées par le temps.
Bref, afin d’assurer une bonne conservation du bronze et une lecture de l’œuvre cohérente, la restauration s’avère toujours, à un moment donné, une étape nécessaire. C’est un enjeu autant patrimonial qu’esthétique...
Laisser faire « naturellement » le temps, serait à terme condamner les sculptures. Chose inimaginable dans le cas du jardin-musée d’Égreville : 56 bronzes, posthumes mais originaux, du célèbre sculpteur, sont ici exposés en plein air. Depuis 1967 - date des premières installations des statues - le temps a passé : elles sont toutes aujourd’hui à restaurer...
Le bronze en question :
C’est une première pour le Conseil général que cette restauration exceptionnelle. Quatre restaurateurs diplômés travaillent de concert depuis la mi-avril. C’est Anne-Cécile Robert qui dirige l’équipe composée également de Denis Chalard et Géraldine Aubert. En tout, 140 jours de traitement de surface ont été prévus, comprenant notamment deux couches de cire sur chaque œuvre. Mais tout commence bien avant la phase de restauration elle-même. D’abord, il s’agit de faire des choix techniques et artistiques en termes de revêtement protecteur, de sablage et de pigmenta- tion . Ensuite, il faut simplement « organiser » le chantier, ce qui suppose une préparation très en amont. Anne-Marie Geffroy, restauratrice, en sourit : « Le métier de restaurateur est pour cela assez complet ! Préparer nos produits, commander et réceptionner le matériel, monter, démonter et remonter les échafaudages, font aussi partie du jeu. Ici, il y 56 statues à restaurer. Certaines sont monumentales comme la statue équestre du Général Alvear. D’autres, atteignent jusqu’à 8 mètres de haut : c’est le cas de la statue représentant la France ! ».
Mais il faut savoir intégrer encore d’autres contraintes. S’il est évidemment impossible de déplacer les œuvres, il est difficile de travailler quand il pleut ou lorsqu’il fait trop froid : le sablage et le cirage des statues deviennent alors impossibles. C’est pour cette raison d’ailleurs, que le planning de restauration suit naturellement celui d’ouverture du musée. On travaillera aux beaux jours. On réservera le travail de sablage qui génère bruit et poussière, aux lundis et mardis, jours de fermeture du musée. Le cirage et le travail de restauration seront plutôt décalés sur le restant de la semaine. Ce d’autant plus, qu’il est préférable de ne pas sabler et cirer dans le même espace et le même temps, sous peine d’empoussiérer la cire !
Au-delà de ces premières contraintes, le circuit de restauration a été pensé en fonction de plusieurs critères – le premier d’entre eux étant la demande et la typologie du public.
Anne-Marie Geffroy explique : « Nous avons commencé par les sculptures-clés : les plus célèbres comme Héraklès archer, située à l’entrée du jardin, ou les plus sollicitées lors des visites commentées. Je pense notamment à la France, devant laquelle s’arrêtent longuement les publics scolaires. » Un circuit déterminé avec Hervé Joubeaux, conservateur du musée, mais parfois remis en cause par le calendrier… des plantations !
Il aurait été ainsi logique de restaurer rapidement la statue équestre du Général Alvear figurant en bonne place dans le magnifique jardin du musée. Il s’agit, en effet, d’un ensemble monumental sur lequel Bourdelle a travaillé pendant 10 ans. Entouré de la Liberté, de la Victoire, de l’Éloquence et de la Force, cette statue est située au centre d’un parterre particulièrement soigné et fleuri. Si les quatre allégories sont déjà restaurées, le Général, lui, attendra qu’un moment plus propice à la pose d’échafaudage se présente !
Mais la principale contrainte à laquelle se heurte souvent la restauration de ce type d’œuvres, est d’un tout autre ordre.
Hervé Joubeaux explique : « Le public – comme nous tous du reste ! – est habitué à voir les statues en milieu urbain, les monuments aux morts, etc., subir lentement mais sûrement les outrages du temps. Les coulures vertes et l’érosion font partie de notre paysage. Les modelés s’effacent mais on finit par trouver ça normal… À partir de là, voir un bronze restauré peut choquer certains. La réaction alors, est de dire « mais ça fait neuf ! ». C’est pourtant cet aspect qu’avait voulu le sculpteur, en accord avec le fondeur et le patineur... Le travail de restauration passe dès lors par un travail pédagogique envers le public, notre rôle étant de faire évoluer les représentations ».
Dossier extrait du Patrimoine actualités n°11 (Lettre d'information de la direcion des archives, du patrimoine et des musées du Conseil général de Seine-et-Marne).
Contributeurs : Virginie Durand, Anne-Marie Geoffroy et Hervé Joubeaux.