Musée

Le musée-jardin départemental Bourdelle, un écrin de verdure

Ce jardin de style Art Déco a été légué au Conseil général de Seine-et-Marne à la suite du Décés de Rhodia Dufet, fille d’Antoine Bourdelle. Il a été aménagé par Rhodia Dufet-Bourdelle et Michel Dufet, son époux entre 1967 et 1985. Leur projet était de créer un contrepoint en plein air au musée Bourdelle de Paris, utilisant la nature pour magnifier l’œuvre.

L’histoire du jardin

L'acquisition des lieux

Jusqu’en 1966, l’emplacement occupé aujourd’hui par le musée-jardin Bourdelle était un ensemble de terres agricoles et de bâtiments ruraux, au cœur du Coudray, un hameau du village d’Égreville, situé dans la région du Gâtinais, au sud du département de Seine-et-Marne.
Entre 1966 et 1969, Michel Dufet et son épouse Rhodia, fille du sculpteur Antoine Bourdelle, achètent plusieurs parcelles contiguës, ce qui leur permet de constituer une propriété de près de 7000 m². Michel Dufet et Rhodia Bourdelle alors entreprennent la création d’un jardin musée dédié à Antoine Bourdelle (1861-1929). 56 bronzes originaux du sculpteur sont exposés en plein air, occupant parterres, potager et allées dans un ensemble cohérent créé, ex-nihilo. Cette création qui s’inspire de la tradition des parcs à la française et des jardins de l’époque art-déco, est semble-t-il la seule réalisation de jardin de Michel Dufet. L’acquisition progressive des parcelles à partir de 1966 explique l’organisation du jardin, réalisé en quatre temps. A chacune des quatre phases de réalisation du jardin, les statues ont été changées de place.

L’œuvre de Michel Dufet

Michel Dufet (1888-1985), architecte d’intérieur et gendre d’Antoine Bourdelle a dessiné le plan du jardin à l’âge de 80 ans. Il s’agit d’un jardin à la française, d’inspiration art décoratif. Les espèces végétales ont été définies en fonction de leurs formes et de leurs coloris. Le jardin a été créé comme un tableau, par touche de couleur, par effet de masses. Michel Dufet réalise une œuvre hétérogène et cohérente à la fois. Hétérogène car il mêle sans cloisonnement des espaces utilitaires et des espaces d’agréments. Cohérente grâce à ces différents éléments juxtaposés harmonieusement. La multiplication des axes de vues organise la visite à l’image d’un espace d’exposition où la portée du regard est dirigée, ouverte ou limitée – ici par des rideaux d’arbres (peupliers) et des buissons (forsythias) taillés en barrière transparente. La réussite de Michel Dufet réside dans le fait que les statues n’y sont pas réduites à du mobilier ornemental de jardin. Au contraire, le jardin valorise autant les œuvres de Bourdelle qu’il est mis en valeur par ces statues.

Le déclin du jardin

Après le décès en 1985 de Michel Dufet l’entretien du jardin diminue, un seul jardinier est présent une partie de la semaine.
Rhodia s’intéresse avant tout aux œuvres de son père et à leur diffusion dans le monde.

Le dernier jardinier, M. Albert Heurteubise fera de son mieux pour maintenir l’œuvre de Michel Dufet mais les arbres deviennent trop imposants et recouvrent les sculptures. De plus, à partir de 2002, le jardin n’est plus entretenu et la sécheresse de 2003 parachève sa dégradation.

La reconstitution

Légué en 2002, au Conseil général de Seine-et-Marne par Rhodia Dufet-Bourdelle, le choix de sa restauration commencé en 2004, a été de reprendre l’ensemble du jardin en respectant ce lieu original tel qu’il a été légué par son créateur.
Les sculptures ont été conservées aux emplacements choisis par Michel Dufet et protégées.

La restauration du jardin, sous la conduite de l’architecte-paysagiste Françoise Phiquepal, a été faite selon un parti pris de fidélité à la fois au plan d’ensemble, au détail du dessin mais également aux végétaux qui avaient été choisis par Michel Dufet.
La particularité de ce jardin est que ces axes sont matérialisés par des parterres et non par des allées. En conséquence, ils ne permettent aucune déambulation et ne sont donc pas des axes de circulation. D’où la différence majeure entre un jardin art-déco et un jardin à la française. Les arbres et arbustes dégradés ou qui avaient subi une croissance excessive et incontrôlée ont été remplacés par des spécimens identiques. Le fleurissement a été reconstitué d’après les indications portées par Michel Dufet sur les plans, les commandes faites aux pépiniéristes et des photographies des années 1980. Les travaux ont débuté fin 2004 pour finir au moment de l’ouverture en juin 2005.

La structure du jardin

Le premier axe

Le parterre principal du jardin de devant dessine l’axe médian, qui traverse ensuite la maison et se poursuit par le parterre de gazon du Centaure Mourant. Michel Dufet a créé, dans ce "jardin de devant " un espace très structuré et parfaitement symétrique. Le buis, taillé bas, dessine les lignes des parterres, tradition héritée de la fin du Moyen Age et poursuivie dans les parterres de broderie des jardins classiques.
Le centre de la composition est occupé par une sculpture d’Héraclès archer cernée d’un massif de rosiers rouges, dans un cercle de gazon, lui-même cerné de pierres. De part et d’autre, Michel Dufet a dessiné des motifs de grecques. Ils sont encadrés de parterres colorés. Les extrémités du parterre de devant sont ornées de broderies en forme de palmettes stylisées. Tous ces parterres sont colorés uniformément en jaune au printemps et en rouge en été. Ces aplats de couleurs sont délimités par les lignes de buis, rappelant ainsi les émaux cloisonnés.
Cet aspect orfévré du jardin se retrouve également dans les dessins d’Albert Laprade (1883-1978). Les frères André (1881-1971) et Paul Vera (1882-1957) cloisonnent eux aussi leurs parterres fleuris monochromes. C’est à ces paysagistes de l’entre-deux guerres que l’on doit les rares jardins art-déco encore visibles aujourd’hui. Le parterre de devant est ponctué par des sphères de pierres sculptées, qui font allusion aux jardins italiens anciens. La monochromie est cassée de touches de couleurs vertes et bleues.
Ce premier axe se poursuit, légèrement décalé, de l’autre côté de la maison, par un parterre de gazon où sont placés Le Centaure Mourant et le Guerrier Couché, partie du Monument aux Combattants du Tarn et Garonne.

Le second axe

Ce deuxième axe, particulièrement prégnant dans le "jardin de derrière", est quasiment inexistant dans le "jardin de devant".
Il est matérialisé par l’alignement de la statue du Serpent, au milieu du potager décoratif, et de la statue équestre du général Alvear.
Cet ensemble est également scandé de bandes de gazon longilignes. Là encore, les allées contournent l’axe de symétrie occupé par les plantations. Le potager décoratif est traversé de passe-pieds dessinant une résille que des pommiers en espalier prolongent verticalement. Le dessin est composé de triangles qui, placés de chaque coté des carrés permettent de disposer le dessin global du potager sur des diagonales passant par le serpent. Au centre, le potager est partagé en quatre carrés, bordés de briquettes jointes. Michel Dufet décide de subdiviser les carrés centraux du potager en deux triangles chacun, grâce à l’usage de légumes de couleurs différentes. Déjà pour l’exposition des arts déco de 1925, Gabriel Guévrékian (1900-1970),créateur du jardin cubiste de la villa Noailles à Hyères (1928) avait proposé un « jardin d’eau et de lumière » où il juxtaposait des parterres en triangles de couleurs complémentaires. Michel Dufet, de retour du Brésil, et fréquentant le milieu des architectes depuis ses études à l’école des beaux-arts, avait probablement découvert ces recherches esthétiques. L’adoption d’un potager à caractère ornemental pour ce lieu n’est pas sans rappeler le travail de Joachim Carvallo (1869-1936) pour le potager de Villandry, réalisé entre 1914 et 1918.
À Egreville, Michel Dufet réalise un jardin qui montre qu’il a assimilé différents styles historiques. Au-delà du potager, le parterre axial s’insère dans une partie faiblement boisée de laquelle il est séparé par un rideau de peupliers traités en voile. En effet, la transparence est un élément récurent du jardin Bourdelle.
Aujourd’hui encore, les arbustes sont taillés de manière à ne pas opposer de masse opaque au regard du visiteur, ce qui leur donne des formes atypiques.

Le troisième axe

Le troisième axe du jardin est le plus méridional. Il est marqué par l’alignement du petit parterre sud du "jardin de devant" où siège le Cheval sans Selle, la piscine devenue aujourd’hui une terrasse, le verger « de plein vent » ainsi que le fond du jardin boisé.
Par rapport aux autres axes forts du jardin, qui sont rigoureusement structurés, ici le jardin est plus flou et ses lignes sont plus libres.

Le quatrième axe

C’est le dernier axe, parallèle à la maison, qui donne sa cohérence à la vue depuis l’habitation. Ses lignes, qui semblent très classiques sont approximativement symétriques, si ce n’est la rupture causée par l’emplacement de la piscine et dont la création fut antérieure au plan initial.
La position centrale de cet axe est occupée par un rond-point gazonné et fleuri de rosiers rouges magenta autour duquel s’articulent deux parterres de gazon, l’un sans sculpture, l’autre présentant Le Fruit (Eve) et Adam tournant lui le dos.

L’originalité de cette composition tient en grande partie au fait que la partie centrale de cet axe est tenue, non par une allée mais par des parterres et que la symétrie de ces parterres se réalise non de part et d’autre de cet axe, comme dans les jardins classiques, mais se déploie sur sa ligne par rapport à son rond-point, à la croisée d’un autre axe.
Les parterres de gazon sont bordés de lignes de rosiers rouges, de la variété Joseph Guy. Leur choix n’est pas innocent puisqu’il fait directement référence à un célèbre jardin, créé par Jean-Claude Nicolas Forestier pour les frères Jean et Joseph Guy à Béziers entre 1918 et 1928. Les rosiers Joseph Guy font partie des polyanthas de couleur vive créés dans les années 20 pour les jardins publics (obtenteur Joseph Nonin, Châtillon sous Bagneux).